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Chers Champitéens,
À quoi ça sert d’apprendre une poésie ?
À cette question posée par un élève de 8e année qui devait mémoriser L’Albatros de Charles Baudelaire, je fus tenté de répondre : - Ça ne sert à rien, avant d’avancer des arguments un peu plus raisonnables.
Cette interrogation qui a dû aussi traverser mon esprit à cet âge se pose aujourd’hui avec une tout autre acuité puisque l’école n’est plus l’unique dépositaire du savoir. La tentation du repli utilitaire marque indéniablement notre réflexion sur les programmes et les objectifs d’apprentissage. Si la préoccupation de préparer nos élèves à affronter les défis d’un monde en constante mutation est ô combien indispensable, elle ne saurait à elle seule satisfaire notre projet éducatif. Notre ambition est aussi d’amener nos élèves à déployer leurs ailes de géants pour s’élever au-dessus des contingences purement matérielles ; la poésie, comme la musique ou les arts visuels en sont les guides les plus sûrs.
L’initiative « Silence, on lit ! » qui veut promouvoir la lecture durant cette année scolaire n’avait peut-être pas au départ une motivation totalement détachée du nécessaire. Elle permet cependant cette respiration, cette déconnexion d’un horaire bien réglé, comme un pied de nez à ce que nous croyions le plus utile. Quoi de plus délicieux que d’abandonner un théorème mathématique ou une liste de verbes irréguliers pour descendre des Fleuves impassibles !
À l’ère où triomphent les algorithmes et l’intelligence artificielle qui nous ont débarrassés de l’inutile, sachons proposer à nos élèves ces moments d’évasion, de silence ou d’ennui, où ils pourront, tel ce Petit-Poucet rêveur d’Arthur Rimbaud, élever leur âme vers le beau et le vrai, développer leur pensée critique et forger ainsi leur liberté.
Thierry Germanier
Directeur du Primaire